Boulangeries fermées le 1er mai à Dunkerque : entre menace d’amendes et perte de revenus, les professionnels dénoncent une décision brutale.

Dunkerque : Les boulangers révoltés face à l’interdiction d’ouvrir le 1er mai – Une tradition brisée sous menace d’amende

SOCIETE

Dunkerque, avril 2025.

Il n’avait jamais manqué un seul jour de travail depuis trente-sept ans. Même lorsque la grippe l’avait cloué au lit, même le matin où sa femme avait accouché de leur dernier, même le jour de l’enterrement de sa mère. Jean-Louis Maret, boulanger à Dunkerque, ouvrait sa boutique chaque matin à 3h15, en silence, comme une prière.

Mais cette année, pour la première fois, les volets de sa boulangerie resteront clos le 1er mai.

« Pas par fatigue. Pas par caprice. Par obligation. »

Une obligation venue de plus haut. Une décision préfectorale tombée comme une lame. Le 1er mai, Fête du Travail, les boulangeries de Dunkerque sont sommées de baisser le rideau. Sous peine d’amende. Quinze mille euros. Trois zéros. Une punition qui dépasse l’entendement pour Jean-Louis et pour les vingt salariés qu’il emploie.

Une tradition cassée comme du pain rassis

Le 1er mai à Dunkerque, c’est sacré. La ville encore endormie s’éveille au parfum du pain chaud. Les familles sortent chercher la première baguette du jour, les amoureux offrent un croissant avec un brin de muguet. Chez Jean-Louis, les commandes pleuvaient chaque année : Brioches, flans, pains spéciaux. Un lien invisible entre le boulanger et la ville.

Mais cette année, tout s’arrête. Dans une circulaire impersonnelle, le Préfet du Nord a rappelé que l’ouverture des commerces alimentaires le 1er mai est soumise à une dérogation stricte. Et à Dunkerque, pas de dérogation. Pas de tolérance. La loi s’appliquera. Brutalement.

« C’est une absurdité », souffle Jean-Louis.

À ses côtés, Camille, sa fille, n’en revient pas. Elle a 26 ans, elle est revenue de Lille pour aider son père à tenir la boutique. Elle a lu la circulaire, les textes de loi, les rappels administratifs. Rien n’explique pourquoi une activité jugée essentielle 364 jours par an devient interdite ce jour-là.

« Et les clients ? On les punit aussi ? » demande-t-elle, révoltée.

Travailler est-il devenu un crime ?

À quelques rues de là, Ahmed, un autre boulanger, a pris une décision radicale : Il ouvrira quand même. « Qu’ils viennent me verbaliser. Je suis prêt à aller jusqu’au tribunal. » Il sait les risques, mais il ne supporte plus ce qu’il appelle « l’hypocrisie des institutions ». D’un côté, on glorifie les artisans. De l’autre, on les empêche de travailler.

Les syndicats boulangers sont montés au créneau. Des lettres ont été envoyées au préfet, aux élus locaux, au ministre de l’Économie. Silence radio. Certains évoquent une « application zélée de la loi ». D’autres parlent de « contrôle social ». Les plus fatalistes se résignent : « Ce pays ne veut plus de travailleurs. »

Le coût humain derrière la sanction

Jean-Louis fait ses comptes. Il estime une perte de 4 500 euros nets pour cette seule journée de fermeture. Mais l’impact n’est pas que financier. Il est moral. « Que vais-je dire à mes clients fidèles ? Que le pain est devenu illégal ? »

Derrière lui, son apprenti, Hugo, baisse les yeux. C’était sa première année en CAP boulangerie. Il voulait montrer qu’il était capable de tenir seul le fournil le 1er mai. « J’étais fier », dit-il simplement.

Aujourd’hui, c’est une colère sourde qui monte dans les rues de Dunkerque. Les habitants sont solidaires de leurs boulangers. Une pétition circule. Certains parlent même d’un rassemblement symbolique devant les boutiques fermées. Une seule pancarte, noire sur blanc : « Laissez-nous pétrir. »

Entre absurdité administrative et résistance artisanale

Camille, elle, a pris sa plume. Elle a écrit à la presse, aux députés, à l’Élysée. Pas en tant que juriste, mais en tant que fille de boulanger. Son témoignage fait le tour des réseaux sociaux. Des milliers de partages. Des messages d’encouragement. Une France silencieuse se réveille, frappée de voir ses traditions piétinées au nom d’un zèle bureaucratique.

« Je ne veux pas d’indulgence. Je veux de la cohérence. Mon père ne fait pas d’ombre à Carrefour. Il façonne du lien. Il mérite mieux qu’une menace d’amende. »

Et si le vrai combat du 1er mai n’était plus dans les cortèges syndicaux, mais dans ces vitrines fermées, ces fours silencieux, ces mains désœuvrées qui n’ont plus le droit de nourrir leurs voisins ?

Une résistance qui prend racine

Dans un coin de Dunkerque, malgré la fermeture annoncée, Jean-Louis a décidé de préparer du pain, quand même. Pas pour vendre. Pour offrir. Pour rappeler que le travail n’est pas une faute. Qu’il peut être un don. Un acte d’amour. Une mission.

Et s’il faut un jour écrire l’histoire de la boulangerie française, alors ce 1er mai 2025 comptera. Comme le jour où le pain s’est tu, mais pas le cœur de ceux qui le façonnent.

Laisser un commentaire