Cuisine, sport et culture derrière les barreaux : la prison de Grasse au cœur d’un débat national sur le traitement des détenus.

Sorties culturelles et activités sportives en prison : Le centre pénitentiaire de Grasse dans la tourmente

SOCIETE

L’air sentait la garrigue et le thym. C’était un matin de printemps comme tant d’autres sur les hauteurs de Grasse, berceau mondial du parfum et désormais… d’une tempête politique inattendue. Dans le calme apparent de ce coin des Alpes-Maritimes, un établissement bien gardé fait aujourd’hui parler de lui jusque sur les bancs de l’Assemblée Nationale et dans les colonnes des journaux télévisés : Le centre pénitentiaire de Grasse.

Là, derrière des murs austères, des hommes condamnés à purger leur peine profitent de ce que certains osent qualifier de « confort carcéral indécent ». Vélo, cuisine, théâtre, et même terrain de football en pelouse synthétique. Et cela ne passe plus.

Lionel Tivoli : Une colère en direct sur CNEWS

C’est une phrase qui a claqué comme un coup de tonnerre dans le ciel serein du Sud :

« Les détenus font du vélo, ont un stade de football en synthétique et font des activités culinaires… Les Français en ont marre de voir cela. »

Signée Lionel Tivoli, député du Rassemblement National pour la 2e circonscription des Alpes-Maritimes, l’intervention diffusée en boucle sur CNEWS a mis le feu aux poudres. À l’antenne, le parlementaire, mâchoire serrée, regard sombre, accusait l’administration pénitentiaire d’avoir transformé une institution censée punir et réinsérer… en centre de vacances partiellement fermé.

Dans son sillage, les réseaux sociaux se sont enflammés. Certains y ont vu le signe d’une République trop laxiste, d’une justice devenue complice du délitement moral de la société. D’autres, au contraire, ont salué l’effort vers une réinsertion humaine, digne, intelligente.

Dans l’enceinte des murs : Un quotidien pas si doré

Mais qu’en est-il vraiment ?

Pour le savoir, il faut franchir les lourdes portes d’acier du centre pénitentiaire, soumettre ses effets personnels à la fouille, longer les couloirs sous vidéosurveillance, et descendre au cœur de ce qui, pour plus de 500 détenus, est devenu un quotidien d’enfermement.

C’est là que travaille Émilien, coordinateur culturel depuis 8 ans. Il le dit d’un ton las mais déterminé :

« Ce n’est pas un hôtel. Les détenus se lèvent dans des cellules exiguës, parfois à trois dans 9 m². Ils sont privés de liberté, de contact avec leurs proches, d’intimité. Alors oui, on leur propose du théâtre, du sport ou de la cuisine. Parce que c’est prouvé : Occuper un détenu, c’est prévenir la récidive. »

Dans l’aile nord, des cours de cuisine sont dispensés deux fois par semaine, sous la supervision d’une cheffe à la retraite, bénévole. On y prépare des soupes, des plats mijotés, parfois même des gâteaux. Les produits ? Issus de dons, du potager cultivé par les détenus eux-mêmes et de quelques achats modiques financés par le budget culturel alloué au centre.

À l’extérieur, un petit terrain synthétique flambant neuf attire l’œil. Là, chaque jeudi, l’équipe des « Tigres de Grasse », composée de détenus passionnés, affronte une équipe mixte de surveillants, éducateurs et parfois même d’associations extérieures. Une bulle d’oxygène dans un univers ultra-codifié.

Et puis, il y a ce club vélo. Une dizaine de vélos d’appartement, installés dans une salle de sport sans fenêtres. Pas de VTT, pas de cols à grimper, juste des kilomètres fictifs pour évacuer la tension et éviter la violence.

« On oublie que ces hommes vont sortir un jour »

C’est Myriam Dautry, juge d’application des peines, qui le rappelle :

« La question n’est pas de savoir si ces activités sont choquantes. La vraie question, c’est : Voulons-nous que ces hommes ressortent pires, ou meilleurs ? »

Chaque année, plusieurs détenus du centre pénitentiaire de Grasse bénéficient d’un programme de réinsertion mêlant travail pénitentiaire, formations certifiantes, ateliers d’art plastique, sport et culture. Les taux de récidive sont analysés. Et, contrairement aux prisons plus vétustes et surpeuplées, Grasse affiche un taux de récidive inférieur de 17% à la moyenne nationale.

Mais ces chiffres, Lionel Tivoli n’en veut pas.

Il l’a dit sur tous les tons :

« Les Français n’en peuvent plus de cette image. On met en prison des criminels, pas des collégiens en séjour linguistique ! »

Une prison modèle ou un symbole de fracture sociale ?

La question divise. Et elle dépasse le simple cadre carcéral. Pour certains citoyens, ces images d’hommes condamnés qui cuisinent, s’expriment sur scène ou tapent dans un ballon ne sont plus tolérables… quand, dehors, tant de Français n’ont même pas les moyens de payer leur cantine ou leur mutuelle.

« Mon fils dort dans sa voiture depuis six mois à Rennes parce qu’il est en invalidité et qu’on lui refuse un logement social. Et on m’explique que des condamnés jouent au foot sur pelouse synthétique ? Pardon, mais c’est une gifle », s’indigne Yoann, père de famille en détresse.

La prison de Grasse devient ainsi un miroir des inégalités françaises. D’un côté, une société civile qui peine à joindre les deux bouts. De l’autre, un système carcéral qui tente, vaille que vaille, de respecter les conventions européennes sur le traitement des détenus.

Grasse, symbole d’un débat national

Alors, faut-il interdire la cuisine, brûler les vélos, arracher le gazon synthétique ?

Ou, au contraire, faut-il comprendre que la dignité derrière les barreaux est le premier rempart contre le chaos une fois les portes rouvertes ?

Grasse n’est pas une exception. Mais elle cristallise un choix. Celui de la France de 2025 : Punir pour exclure ou punir pour reconstruire.

Et vous, que choisiriez-vous ?

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