Le combat d’un homme handicapé contre l’inaction de l’État se solde par une victoire judiciaire : 800 € pour 20 ans de souffrance.

Elle attendait un logement de HLM depuis 20 ans : Une personne handicapée fait condamner l’État

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Vingt ans d’attente, vingt ans d’oubli

Il s’appelait Damien, mais aurait aussi bien pu s’appeler Marguerite, Salim, Pierre ou Fatoumata. Car son histoire, aussi singulière soit-elle, incarne le drame de milliers d’âmes invisibles en France : Celles qui attendent un logement social adapté à leur handicap, et qu’on laisse patienter jusqu’à l’épuisement.

Damien avait déposé sa première demande HLM en 2003. À l’époque, il venait de perdre l’usage de ses jambes à la suite d’un accident de travail. En fauteuil roulant, il découvre très vite que son logement actuel, au rez-de-chaussée d’un immeuble vétuste du Val-d’Oise, est devenu une prison. Portes trop étroites. Salle de bains inaccessible. Humidité permanente. Et l’ascenseur ? Il n’existe pas.

🔁 Une démarche renouvelée chaque année

Pendant vingt ans, Damien renouvelle inlassablement sa demande de logement. Il remplit les dossiers, fournit les justificatifs, répond aux convocations de la préfecture, rencontre les assistantes sociales, écrit aux mairies. Et chaque année, le silence administratif revient s’abattre sur sa vie, comme une chape de plomb.

Il ne vit pas, il survit.

📜 2021 : Enfin reconnu prioritaire DALO

C’est en août 2021 que les choses, enfin, semblent s’ébranler. La Commission de médiation (COMED) du Val-d’Oise reconnaît Damien comme prioritaire au titre du DALO (Droit au logement opposable), une loi censée garantir un logement décent à toute personne vulnérable ou en situation de handicap.

Le préfet a alors six mois pour lui proposer un relogement adapté. Mais au lieu de cela… rien. Puis deux propositions arrivent. L’une dans une commune à 45 minutes de tout médecin, l’autre dans un immeuble sans ascenseur. Damien les refuse : Non par caprice, mais parce qu’il ne peut pas physiquement y vivre.

Et pendant que les dossiers s’empilent, que les courriers dorment, Damien perd la foi. Il ne croit plus en rien. Son épouse le quitte. Ses douleurs s’aggravent. Il sombre.

⚖️ La plainte de la dernière chance

Épuisé, humilié, Damien décide alors de faire ce que trop peu de gens osent faire : Il saisit le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Il attaque l’État pour « préjudice moral » dû à l’attente déraisonnable et prolongée d’un logement adapté à sa situation.

L’État se défend maladroitement. Il affirme qu’il ne s’agit pas d’un refus mais d’un retard. Il précise que Damien n’a pas accepté les offres proposées. Mais la justice ne s’y trompe pas.

🧑‍⚖️ 2025 : L’État condamné

Le 10 juin 2025, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise rend son jugement. Il reconnaît que Damien, malgré sa priorité DALO, n’a jamais pu bénéficier d’un logement digne de sa situation. La justice souligne un manquement évident aux obligations de l’État en matière de relogement des personnes vulnérables.

Le verdict est limpide : 800 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral. Une somme minime ? Certainement. Mais un symbole fort.

📣 Une victoire juridique… et morale

Damien ne fêtera pas cette victoire. Il est trop fatigué pour célébrer. Mais il sait qu’il vient d’ouvrir une brèche. Il vient de dire haut ce que tant d’autres murmurent dans l’ombre : Les délais d’attente, quand on est handicapé, sont une double peine.

Cette condamnation de l’État — rare dans ce domaine — montre la voie. Elle dit que la justice peut être saisie, que les victimes peuvent être reconnues, que le droit au logement opposable n’est pas un concept abstrait, mais une obligation légale.

📉 Le DALO, un droit de plus en plus théorique ?

En 2024, plus de 109 000 ménages ont formulé un recours DALO. Mais seuls 38% ont été relogés dans l’année suivant leur classement prioritaire. Pour les personnes handicapées, ce taux est encore plus bas.

Les associations dénoncent un sabotage silencieux de la loi DALO par manque de moyens, de volonté politique, et parfois même de mauvaise foi administrative.

🔚 Une justice qui arrive trop tard

Damien a obtenu gain de cause. Mais il ne reverra jamais les vingt hivers passés dans un logement indigne. Il ne retrouvera pas sa dignité perdue dans les formulaires. Il ne rattrapera pas les années à vivre autrement, ailleurs, debout dans un logement qu’il aurait pu appeler « chez lui ».

Combien d’autres attendent encore ?

Damien n’est qu’un visage parmi tant d’autres. Une condamnation pour 800 € ne compensera jamais l’injustice vécue. Mais elle crée un précédent. Elle rappelle à l’État ses obligations. Et elle donne de l’espoir à celles et ceux, encore trop nombreux, qui attendent aujourd’hui dans l’ombre, sans voix, sans toit.

L’histoire de Damien est vraie. Elle est aussi celle de milliers d’oubliés du système. Que justice leur soit faite, enfin.

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