Affichage des profs absents pour l’Aïd : erreur de gestion ou acte discriminatoire ? Une controverse qui divise l’Éducation nationale.

Seine-Saint-Denis : Un directeur d’établissement affiche le nom des professeurs absents pour l’Aïd, déclenchant une vive polémique

SOCIETE

Une matinée banale… ou presque

Ce matin-là, les couloirs de l’école Angela-Davis, nichée au cœur de La Courneuve, bourdonnaient d’un calme inhabituel. Pas de cris d’enfants, pas d’éclats de voix dans la salle des profs. Le 17 juin 2024 tombait en plein Aïd el-Kébir, l’une des plus grandes fêtes musulmanes. Et comme chaque année, plusieurs enseignants avaient posé une journée de congé pour la célébrer en famille.

Mais ce jour-là, une simple feuille A4 scotchée au mur a bouleversé l’équilibre déjà fragile d’un établissement sous tension permanente.

En lettres noires, bien lisibles, la liste des enseignants absents. Et à côté de chaque nom : Le motif « fête religieuse ». Huit noms. Huit motifs identiques. Huit foyers musulmans, soudainement identifiés sans leur consentement.

« C’est une faute grave », selon les syndicats

Rapidement, les premières réactions fusent. Une photo du panneau circule sur les téléphones. Certains enseignants se sentent trahis, d’autres ont peur.

« C’est un signalement religieux déguisé. Et dans le contexte actuel, c’est dangereux », lâche avec colère Samir, professeur d’histoire-géographie.

L’intersyndicale monte au créneau. FSU, SUD, CGT, CNT dénoncent une atteinte à la vie privée et une forme d’islamophobie institutionnelle.

Dans leur communiqué, les mots sont lourds :

« Cet affichage constitue une infraction grave au droit à la discrétion des agents publics. Cela revient à désigner, publiquement, des individus pour leur pratique religieuse. »

Le rectorat de Créteil tente d’éteindre l’incendie

Le rectorat de Créteil est rapidement saisi. Il reconnaît une « maladresse administrative » et fait retirer le panneau dans l’heure.

Mais le mal est fait.

Une cellule d’écoute psychologique est ouverte, la direction convoquée, et une enquête interne enclenchée.

« Ce n’est pas à l’école de dévoiler la foi d’un agent, quel que soit le motif de son absence », tranche un juriste du rectorat.

« En l’absence de nécessité absolue, on ne mentionne jamais de raison religieuse dans les communications publiques. »

Parents partagés, communauté blessée

Devant l’école, la parole se libère.

« Je comprends que ça choque… Mais c’était sûrement sans mauvaise intention », tente de relativiser Natacha, mère d’un élève de CE2.

Mais d’autres sont plus tranchants.

« Vous vous rendez compte ? On vit dans une période où une croix sur un collier suscite des polémiques, et là on affiche carrément les musulmans comme s’ils devaient être signalés ? »

Certains évoquent même une mise en danger : Des noms, une religion, un contexte tendu… Il n’en fallait pas plus pour semer peur et suspicion dans l’établissement.

Quand l’école devient le miroir des fractures françaises

À travers ce simple tableau d’absence, c’est toute la fragilité du pacte républicain qui vacille.

La laïcité, au cœur du modèle scolaire français, est-elle devenue un prétexte à stigmatiser ?

La neutralité religieuse s’applique-t-elle aux élèves, aux enseignants… ou à l’administration elle-même ?

L’affaire de La Courneuve n’est pas un incident isolé. Elle s’inscrit dans un climat tendu, où la foi musulmane semble sans cesse observée, disséquée, surveillée.

Une erreur qui pose de grandes questions

Un simple affichage. Huit noms. Un mot : « fête religieuse ».

Et derrière, des enseignants blessés, des familles inquiètes, une institution embarrassée.

Ce qui devait être une routine administrative s’est transformé en affaire nationale, révélant une faille dans la gestion du vivre-ensemble au sein même de l’école publique.

À La Courneuve, certains espèrent des excuses. D’autres veulent des sanctions. Mais tous s’accordent sur une chose : La confiance a été brisée.

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