Sophie, une lectrice assidue, pose la question : « Peut-on vraiment tuer par amour ? Est-ce que l’acte de Bernard Pallot était un crime ou un ultime geste d’amour ? Quelle place pour l’euthanasie dans notre société aujourd’hui ? »
Peut-on tuer par amour ? C’est autour de cette question, aussi troublante que poignante, que s’est déroulé le procès de Bernard Pallot, un homme de 78 ans jugé par la cour d’assises de l’Aube pour le meurtre de sa femme Suzanne, malade et souffrante. Ce n’est pas un crime ordinaire : Bernard Pallot n’est ni un meurtrier sans cœur ni un homme dépourvu de compassion. Professeur à la retraite, casier judiciaire vierge, il aimait sa femme depuis plus de cinquante ans. Mais un jour d’octobre 2021, dans une petite commune de l’Aube, il fait le choix ultime, un geste de délivrance ou de destruction selon les perspectives. Le verdict de son procès, tombé mercredi, l’a finalement acquitté, mais le dilemme moral et social reste entier.
Un geste d’amour qui bascule en acte de violence
Bernard Pallot a reconnu avoir tenté de mettre fin aux souffrances de sa femme, Suzanne, après plusieurs années de maladie. Il a d’abord tenté de l’euthanasier en injectant du cyanure, mais ce geste n’a pas abouti. Dans un acte qu’il décrit comme « d’improvisation« , il a finalement utilisé un câble électrique pour l’étrangler, mettant un terme définitif aux souffrances de sa femme, selon ses mots.
L’histoire est glaçante. « Ça paraît un peu sauvage comme méthode, mais je n’avais pas le choix« a-t-il déclaré lors de l’enquête. À l’arrivée des gendarmes, il n’a pas cherché à dissimuler son acte. Il a expliqué avoir agi par amour, à la demande de sa femme qui ne supportait plus la douleur. Bernard Pallot a voulu tenir la promesse qu’il avait faite à Suzanne, celle de l’aider à partir dignement.
La lettre de Suzanne Pallot : Témoignage posthume
Dans les instants qui ont suivi cette décision irréversible, un détail de l’enquête a particulièrement marqué les esprits : Près du corps de Suzanne, les enquêteurs ont retrouvé une lettre rédigée de sa main. « Je soussignée, Pallot Suzanne, encore saine d’esprit, demande à mon mari, Bernard Pallot, de me soulager définitivement des souffrances incurables que je supporte. »
Ce document, rédigé de manière claire et volontaire, résonne comme un cri d’appel, celui d’une femme en quête de paix. Pour beaucoup, cette lettre pourrait justifier l’acte de Bernard Pallot, pour d’autres, il reste une transgression des lois de la République.
Un verdict surprenant et des questions pour l’avenir
Le parquet avait requis une peine de huit ans de prison, évoquant l’interdiction morale et légale de prendre la vie d’autrui, même par compassion. Mickaël Le Nouy, avocat général, a souligné que « l’argument de l’euthanasie est inopérant en droit pénal« et a estimé qu’il est interdit de « s’arroger le droit de tuer« . Toutefois, l’avocat a admis qu’un retour en prison n’était « pas adapté » pour le septuagénaire. Il a donc plaidé pour une solution alternative, reconnaissant le caractère exceptionnel de ce drame humain.
Finalement, la cour a acquitté Bernard Pallot, un verdict surprenant mais sans doute dicté par l’exceptionnalité de la situation et la profondeur de l’amour et de la souffrance en jeu.
Le droit de mourir : Une législation en question
L’affaire Pallot pose un problème complexe au regard du droit à mourir. Actuellement, la législation française encadre de manière stricte la fin de vie et interdit toute forme d’euthanasie active. Le pays des droits de l’homme n’a toujours pas légalisé l’euthanasie, contrairement à d’autres nations européennes comme la Belgique ou la Suisse, où des lois permettent à des patients atteints de maladies incurables de choisir une mort digne et accompagnée.
Bernard Pallot, à l’issue du procès, a déclaré : « Ce procès témoigne de l’insuffisance de la loi qui nous met dans des situations, nous les particuliers, difficiles, et même la justice puisqu’ils ne savent pas comment composer avec la loi actuelle… On est dans le pays des droits de l’homme normalement. »
Une promesse respectée et un geste ultime
Pour Bernard Pallot, le geste reste une promesse tenue envers sa femme, et le verdict de son acquittement en a fait un homme libéré mais changé à jamais. Pendant le procès, il a fait preuve de lucidité quant à la gravité de son acte, mais pour lui, ce n’était pas un crime, simplement le respect d’un engagement pris envers celle qu’il aimait.
Dans une société où le vieillissement de la population et les maladies dégénératives se multiplient, ce type d’affaire pourrait bien se répéter et interroger notre humanité.