7599 € d’amende pour du pain, 500 € pour une agression ? Une comparaison qui fait scandale. Voici pourquoi.

Justice à deux vitesses ? Quand un boulanger est plus lourdement sanctionné qu’un agresseur de policier

SOCIETE

Le 1er mai au petit matin, dans un village encore endormi d’Île-de-France, Paul-André, boulanger depuis 27 ans, ouvrit discrètement les rideaux de fer de sa boutique. Ce jour-là, il n’avait ni salarié à l’atelier, ni caisse enregistreuse allumée. Il pétrissait simplement quelques miches pour les habitants âgés, isolés, qui, chaque année, lui demandaient ce petit service.

Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’un contrôle inopiné de l’inspection du travail avait été diligenté après un signalement anonyme. Résultat : Un rapport administratif, une lettre recommandée, une convocation. Puis, la sanction administrative tomba : 7 599 € d’amende pour avoir exercé une activité interdite le 1er mai sans autorisation spécifique.

Paul-André, les mains encore pleines de farine, lut le courrier en silence. Il n’avait employé personne ce jour-là. Il n’avait fait de mal à personne. Il s’était contenté de respecter ce qu’il appelait « le lien silencieux » entre un artisan et son village.

Pendant ce temps-là, à plus de 300 kilomètres de là, à Lyon, une scène de guérilla urbaine se jouait au cœur de la nuit. Des hommes encagoulés, armés de mortiers d’artifice, prenaient pour cible les forces de l’ordre. Un policier de la BAC fut touché à la jambe, grièvement brûlé.

L’un des suspects fut interpellé. Jugé en comparution immédiate, il fut condamné à 500 € d’amende pour détention et usage d’artifices en réunion. L’intention de « tuer » ne fut pas retenue, faute de preuves directes. La vidéo de l’audience fit le tour des réseaux.

Justice Française

⚖️ Deux poids, deux mesures ? Ou incompréhension juridique ?

L’image virale qui circule depuis ce week-end juxtapose ces deux affaires : À gauche, Paul-André, boulanger humaniste, pétrissant son pain un jour férié, à droite, un homme noirci par la haine, mortier en main face à un CRS.

Le message est simple, efficace, presque trop caricatural pour être vrai : « Le travailleur honnête est puni plus sévèrement que le délinquant violent. »

Mais que cache réellement cette comparaison ?

📚 Le cas du boulanger : Une amende administrative, pas pénale

Le montant de 7 599 € correspond à une amende administrative forfaitaire, appliquée lorsqu’une entreprise enfreint l’interdiction stricte de faire travailler ses salariés le 1er mai, jour férié chômé et payé selon l’article L3133-4 du Code du travail.

Dans le cas de Paul-André, il n’avait pas employé de salarié, ce qui aurait pu jouer en sa faveur. S’il a écopé d’une telle amende, c’est que la situation est plus complexe qu’elle n’y paraît : Peut-être était-il sous le coup d’un précédent avertissement, ou bien les inspecteurs ont jugé qu’il contournait la loi via une structure en nom propre. Le droit du travail est parfois rigide, insensible au bon sens.

🚓 Le cas du tireur de mortier : La justice pénale face aux faits

Dans l’affaire du mortier contre le policier, le parquet n’a pas retenu la qualification de tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique, faute d’éléments suffisamment probants. Le suspect a été poursuivi pour usage illégal d’artifices en réunion, ce qui a conduit à une amende pénale de 500 €, avec probablement d’autres peines complémentaires (interdiction de paraître, stage de citoyenneté…).

La réalité, c’est que les peines maximales existent, mais sont rarement appliquées si l’intention n’est pas démontrée clairement. Or, dans un tribunal, ce sont les preuves, pas l’indignation, qui font foi.

📲 Une image virale, un ressenti collectif

Cette comparaison, bien qu’exagérée, rencontre un immense écho sur les réseaux sociaux. Pourquoi ? Parce qu’elle cristallise un sentiment d’injustice ressenti par une partie de la population : Celui que les citoyens honnêtes paient plus cher que les fauteurs de troubles.

Ce ressenti, qu’il soit fondé ou non, est alimenté par le contraste brutal entre les figures symboliques : Le boulanger, père de famille, contre l’agresseur masqué, anonyme, violent. Et même si la réalité judiciaire est plus nuancée, la communication politique, elle, se nourrit de ces oppositions simples.

🧠 Une justice en mal de pédagogie

La véritable leçon à tirer de cette polémique n’est pas de savoir qui mérite la plus grosse amende, mais comment la justice explique ses décisions. Car tant que l’opinion publique n’a pas les clefs pour comprendre la logique derrière les peines, le fossé entre le peuple et ses juges ne fera que s’agrandir.

Faut-il réformer le Code du travail pour permettre plus de souplesse aux artisans de proximité ? Faut-il renforcer les sanctions pour violences sur les forces de l’ordre ? Peut-être. Mais surtout, il faut rétablir la lisibilité de notre système judiciaire.

🎯 La justice doit-elle être juste… ou seulement légale ?

Le cas de Paul-André et celui du tireur de mortier ne relèvent pas des mêmes juridictions, ni des mêmes lois. Pourtant, en les comparant, l’image virale met le doigt sur un malaise plus profond : La perception d’un système à deux vitesses, où la légalité l’emporte sur l’équité.

Et cette perception, aussi exagérée soit-elle, a un pouvoir explosif.

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