« Élise se souvient de ses premières nuits au Tango, des pas hésitants puis libérés sur les pavés du Marais… Aujourd’hui, elle se demande : Que reste-t-il vraiment de ce Paris queer, vivant, exubérant, qui semblait immortel ? »
Un soir d’hiver, quelque part entre la rue des Archives et la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, Élise marche. Elle ne cherche rien. Ou peut-être si : Un fantôme. Celui d’un quartier autrefois vibrant, fiévreux, flamboyant. Ce Marais-là, aujourd’hui, semble doucement s’éteindre.
Un parfum de fin de fête
Les rideaux de fer sont tirés sur plusieurs vitrines. Là où résonnaient les éclats de rire et les musiques électro, le silence s’est installé. Le Tango, cette boîte mythique qui faisait danser le Paris queer depuis 1997, est désormais vide. Elle a fermé ses portes. Et avec elle, un pan entier de mémoire collective s’est effondré. Ce lieu de toutes les générations, où l’on pouvait danser sur du Dalida comme sur du Rihanna, n’a pas survécu à l’après-Covid, à la spéculation immobilière, à l’épuisement.
Le Marais, quartier devenu musée
Dans les années 1990 et 2000, le Marais était un sanctuaire. Un quartier refuge pour les LGBTQ+, bien avant que l’égalité des droits ne soit inscrite dans la loi. Les bars y poussaient comme des champignons. L’Open Café, le Cox, les Souffleurs, la Boîte à Frissons… On y venait pour être soi, pour aimer sans peur, pour vivre. Mais aujourd’hui, ces lieux ferment ou se transforment en boutiques de luxe, en showrooms design ou en hôtels hors de prix.
Un chiffre glaçant : Paris comptait 140 lieux LGBT+ en 2004. En 2020, ce chiffre aurait chuté de moitié. Et dans le Marais ? La concentration s’effondre au profit d’une gentrification sans pitié. Des rues autrefois populaires deviennent vitrines à touristes.
Une mémoire queer en danger
Les jeunes générations queer ne connaissent parfois plus ce passé militant. Pourtant, c’est dans ces murs que se sont écrites des pages entières de l’histoire LGBT française : Marches, soirées de soutien, drag shows, débats sur la PMA et les droits trans. Le Marais était bien plus qu’un décor, c’était un théâtre vivant de luttes et de victoires.
Aujourd’hui, les associations tirent la sonnette d’alarme. La Mairie de Paris tente bien de sauver certains lieux emblématiques, comme elle l’a fait pour Le Tango, en rachetant le bail et en promettant sa réouverture sous gestion communautaire. Mais cela suffira-t-il ? Le mal est plus profond : Il est structurel.
Gentrification et disparition des marges
Le prix du mètre carré dans le Marais dépasse les 15 000 euros. Les anciens habitants sont chassés. Les nouveaux venus ne sont plus des militants ou des artistes, mais des cadres sup’ ou des spéculateurs. Et la culture queer, foisonnante, subversive, n’a plus sa place dans cet univers aseptisé.
Même les Pride deviennent des événements sponsorisés, lisses, très éloignés des premières marches de la fierté. Les drag queens historiques désertent. Les affiches se ressemblent. L’impertinence recule.
Et maintenant ?
Pour Élise, c’est plus qu’un quartier qui meurt. C’est un monde. Une mémoire. Des nuits inoubliables. Un espace de liberté qu’elle ne retrouve nulle part ailleurs. Mais tout n’est pas perdu. De nouvelles initiatives naissent : Cafés queer en banlieue, collectifs militants hors centre-ville, soirées underground à Montreuil ou Ivry.
Le Marais meurt peut-être, mais la culture LGBT+ survit ailleurs. Elle se réinvente. Elle résiste. Peut-être faut-il dire adieu à un symbole… pour en faire naître de nouveaux.
Le Marais s’éteint, mais l’esprit queer survit
Le Marais LGBT+ de Paris est en train de changer. Peut-être de disparaître. Mais les luttes, les désirs, les fêtes, les espoirs ne disparaissent pas avec les murs. Ils se déplacent. À nous de les suivre, de les soutenir, de les raviver. Parce qu’un quartier peut mourir… mais une communauté, elle, ne meurt jamais.
Souvenons-nous. Et agissons.