Vous avez été tutoyé par la police ? Découvrez vos droits, les limites et les recours possibles.

Le tutoiement par la police est-il légal ? Vos droits face à un agent qui vous tutoie

SOCIETE

Une rue, une parole, un malaise

Il est 18h42. Sandrine sort d’un rendez-vous professionnel dans le centre de Lyon. Elle traverse la place Bellecour, son sac à l’épaule, les écouteurs dans les oreilles. Un fourgon de police ralentit à sa hauteur. Un agent baisse sa vitre.

— « T’as ta carte d’identité ? », lance-t-il sèchement.

Interloquée, Sandrine s’arrête. Elle retire un écouteur.

— « Pardon ? »

— « Je t’ai dit : montre-moi ta carte d’identité. »

Ce qui aurait pu n’être qu’un contrôle de routine se transforme en une profonde gêne. Le ton est sec, le tutoiement sans détour, l’attitude autoritaire. Ce n’est pas l’uniforme qui dérange Sandrine. C’est ce « tu », balancé sans préavis, sans égard. Elle se sent rabaissée, infantilisée. Alors elle se pose la question : Un policier a-t-il le droit de me tutoyer ? Et si ce n’est pas interdit, est-ce pour autant acceptable ?

Ce que dit la loi : Pas d’interdiction formelle… mais un devoir de respect

Commençons par les bases. En France, il n’existe pas de texte de loi interdisant spécifiquement à un policier de tutoyer un citoyen. Ni le Code pénal, ni le Code de procédure pénale ne mentionnent le vouvoiement ou le tutoiement.

Mais cela ne signifie pas que les agents sont autorisés à tout dire, sur n’importe quel ton. En effet, selon l’article R434-7 du Code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie, les forces de l’ordre ont un devoir de courtoisie et de respect envers la population. Ce devoir ne précise pas explicitement l’usage du « vous », mais le bon sens et la tradition administrative inclinent vers cette forme de politesse.

🔍 Extrait de l’article R434-7 :

« Dans l’exercice de ses fonctions, le policier fait preuve de discernement, d’humanité et de courtoisie. Il s’interdit tout comportement, geste ou parole qui pourrait porter atteinte à la dignité ou au respect dû aux personnes. »

Le tutoiement, un marqueur de domination symbolique ?

Au-delà de la légalité, le tutoiement d’un policier en contexte officiel est souvent vécu comme une humiliation ou un abus de pouvoir. Dans les faits, ce langage familier s’utilise entre amis, collègues ou personnes proches. Pas entre un représentant de l’État et un citoyen lambda.

Utilisé lors d’un contrôle, le tutoiement peut alors servir à imposer une forme de domination, marquer une hiérarchie implicite, voire provoquer ou tester une réaction. Pour beaucoup, ce langage direct et sans filtre est une manière d’asseoir une autorité.

👉 Mais attention : Tous les policiers ne tutoient pas. Beaucoup font preuve d’un professionnalisme irréprochable. Toutefois, le témoignage de Sandrine n’est pas un cas isolé. Il reflète une réalité vécue par de nombreux citoyens, en particulier dans certains quartiers ou contextes tendus.

Quels sont vos droits si vous êtes tutoyé(e) par un policier ?

Voici ce que vous pouvez faire si vous estimez qu’un policier a franchi la ligne :

1. Demander calmement le vouvoiement

Vous avez le droit de demander poliment à être vouvoyé, surtout si vous ressentez un malaise.

Par exemple :

« Excusez-moi, je préférerais que vous me vouvoyiez. »

Certains agents rectifieront naturellement leur langage. D’autres non. Mais cette demande, si elle est formulée avec calme, est totalement légitime.

2. Demander le matricule ou nom de l’agent

Depuis 2014, les policiers doivent porter un numéro d’identification individuel (RIO), visible sur leur uniforme. Vous pouvez noter ce numéro si vous estimez que le comportement du policier est irrespectueux ou déplacé.

3. Porter plainte ou signaler

Si le tutoiement s’accompagne d’insultes, de remarques discriminantes ou de gestes agressifs, vous pouvez déposer une plainte ou un signalement :

  • Auprès de l’IGPN (Inspection Générale de la Police Nationale)
  • Sur la plateforme Signalement IGPN
  • Ou via un avocat

Ce que risquent les agents qui abusent

Un tutoiement seul ne sera pas suffisant pour entraîner une sanction. Mais dans un contexte de harcèlement verbal, d’insulte ou de manque manifeste de respect, il peut appuyer une plainte ou une enquête interne.

Selon les cas, un agent peut faire l’objet de :

  • Un rappel à l’ordre
  • Une mutation disciplinaire
  • Une suspension ou une exclusion temporaire
  • Une sanction pénale si les propos sont injurieux ou discriminatoires

Le tutoiement en pratique : Quand est-il toléré ?

Certains contextes peuvent justifier un tutoiement temporaire, notamment pour désamorcer une situation tendue ou pour s’adresser à une personne très jeune. Néanmoins, cela doit rester exceptionnel et proportionné.

En règle générale, les consignes internes recommandent aux agents d’utiliser un langage neutre, professionnel et respectueux, quelle que soit la situation.

Témoignages de citoyens : « Je me suis senti rabaissé »

📌 Hugo, 32 ans, Marseille :

« J’ai été tutoyé lors d’un simple contrôle de papier. C’était sec, presque agressif. J’ai eu l’impression d’être coupable sans rien avoir fait. »

📌 Nora, 27 ans, Lille :

« Une policière m’a dit « T’as quoi dans ton sac ? » sans bonjour ni vouvoiement. J’ai répondu calmement que je voulais un minimum de respect. Elle s’est justifiée en disant qu’elle parlait « direct ». »

Tutoiement policier, une question de posture plus que de loi

Le tutoiement policier n’est pas formellement interdit, mais il va souvent à l’encontre de l’éthique attendue d’un agent de la fonction publique. S’il est vrai que le langage peut varier selon les régions, les tempéraments ou les tensions du moment, le respect du citoyen reste une exigence fondamentale.

Sandrine, comme beaucoup d’autres, ne voulait pas faire d’histoire. Mais elle voulait comprendre, savoir si ce petit mot — « tu » — pouvait être un grand manque de respect. La réponse est claire : Vous avez le droit d’exiger le respect, même en uniforme.

Laisser un commentaire