Clémentine, étudiante en droit passionnée de justice constitutionnelle, interroge son professeur à voix basse, dans l’amphithéâtre bondé : « Comment une élue condamnée à cinq ans d’inéligibilité peut-elle refuser sa démission et rester en fonction, alors même que le jugement a été prononcé ? »
Dans la lumière crépusculaire d’un printemps politique houleux, les couloirs du pouvoir résonnaient de murmures, de stratégies et de révoltes contenues. Ce 31 mars 2025, dans une salle comble du tribunal correctionnel de Paris, le silence tomba comme un couperet lorsque le juge Bénédicte de Perthuis prononça la sentence : « Marine Le Pen, vous êtes condamnée à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, à une amende de 100 000 euros et à cinq ans d’inéligibilité immédiate. »
La décision, bien que redoutée, laissa l’assemblée sans voix. Au banc des accusés, Marine Le Pen, droite, figée, le regard froid, encaissa le choc sans ciller. La présidente du Rassemblement National venait de tomber sous le poids d’une affaire aux ramifications tentaculaires : Celle des assistants parlementaires européens. Une affaire où 2,9 millions d’euros, destinés à financer des activités au Parlement européen, auraient été utilisés à d’autres fins, essentiellement partisanes et nationales. Une fraude, selon les juges. Une manipulation politique, selon ses partisans.
C’est dans ce contexte que Clémentine, étudiante en droit à Sciences Po Lille, leva timidement la main en amphithéâtre. Sa voix, hésitante mais vibrante de curiosité, s’éleva : « Monsieur, si Marine Le Pen est jugée inéligible, comment peut-elle refuser sa démission de son poste de conseillère départementale ? Est-ce juridiquement possible ? »
La question provoqua un frisson dans l’assistance. Le professeur esquissa un sourire las. Il savait que derrière l’affaire judiciaire, se tramait un duel bien plus vaste, un affrontement entre la justice et une candidate que des millions de Français voyaient déjà en haut de l’affiche présidentielle de 2027.
Car si la condamnation fut immédiate, les recours, eux, sont encore ouverts. Marine Le Pen a fait appel. Et selon ses avocats, tant que la cour d’appel ne statue pas, la peine d’inéligibilité ne saurait s’appliquer de façon définitive. C’est en vertu de cette brèche juridique que Marine Le Pen a contesté, avec fracas, la notification de sa démission automatique par la préfecture du Pas-de-Calais.
La préfète, pourtant, n’avait guère le choix. En vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une condamnation à l’inéligibilité implique la déchéance automatique de tout mandat électif. Ainsi fut-elle radiée de la liste des élus départementaux. Mais Marine Le Pen, fidèle à sa réputation de combattante, refusa de quitter son fauteuil. « Il s’agit d’un abus de pouvoir », déclara-t-elle lors d’une conférence de presse improvisée. « Je ne céderai pas face à une justice instrumentalisée. »
Dans les jours qui suivirent, les manifestations se multiplièrent. À Hénin-Beaumont, à Nice, à Perpignan, des partisans du RN descendirent dans la rue, brandissant des pancartes dénonçant un « procès politique ». Des élus d’extrême droite, mais aussi certains souverainistes, crièrent au scandale. Matteo Salvini, Viktor Orbán et même Donald Trump publièrent des messages de soutien sur leurs réseaux sociaux.
Mais la tension ne s’arrêta pas là. La juge de Perthuis reçut des menaces de mort. Une cellule de protection fut mise en place. L’Union syndicale des magistrats s’indigna. Le climat devint irrespirable.
Pendant ce temps, Marine Le Pen poursuivait son contre-attaque. Elle saisit le tribunal administratif pour contester sa radiation. Elle mobilisa ses réseaux. Elle en appela aux électeurs, parlant de complot, de persécution. Et dans l’ombre, ses proches élaboraient déjà une riposte : Faire porter la candidature de 2027 par Jordan Bardella, tout en maintenant Marine Le Pen au cœur de la campagne.
L’Élysée resta silencieux. L’opposition se divisa. Jean-Luc Mélenchon dénonça une justice « à géométrie variable », tandis que certains centristes appelèrent à respecter l’indépendance des juges. La France s’enfonçait dans une tempête institutionnelle.
Dans l’amphithéâtre de Clémentine, le professeur conclut calmement : « Ce que nous vivons, mes chers étudiants, n’est pas seulement un feuilleton judiciaire. C’est une bataille pour l’âme de la République. »
Et pendant ce temps-là, sur les bancs du conseil départemental du Pas-de-Calais, une chaise restait vide… ou pas.