La justice est-elle encore libre ? Plongée dans l'affaire Marine Le Pen et les menaces qui visent désormais les juges français.

Menaces contre les juges après la condamnation de Marine Le Pen : La justice française sous pression

SOCIETE
Juge Bénédicte de Perthuis

Le silence dans la 11ᵉ chambre du tribunal correctionnel de Paris était saisissant ce lundi 31 mars 2025. Une chape de tension planait au-dessus des têtes, épaisse et menaçante, comme un orage qui refuse d’éclater. L’assistance retenait son souffle. Les caméras, bien que tenues à l’écart de la salle d’audience, braquaient leur objectif sur la moindre sortie, la moindre émotion, la plus infime expression.

Au centre de cette scène figée, un nom : Marine Le Pen. À sa droite, son avocat consultait nerveusement ses notes. Devant elle, la présidente de la chambre, Bénédicte de Perthuis, tenait fermement le dossier de la décision qu’elle s’apprêtait à lire. Son ton fut calme, posé, mais chaque mot résonnait comme un coup de marteau :

« Le tribunal condamne Madame Marine Le Pen à quatre ans de prison, dont deux ans ferme aménageables sous bracelet électronique, et à cinq ans d’inéligibilité, exécution immédiate. »

Un verdict historique. Un coup de tonnerre dans la sphère politique française.

Mais ce que personne n’avait anticipé, c’était la tempête qui allait suivre, non dans les rues, mais dans les recoins sombres des réseaux sociaux, dans les tréfonds des forums les plus extrêmes, et même — tristement — dans certaines manifestations spontanées où des slogans glaçants commencèrent à fuser.

« Elle va le payer ! » — L’annonce des menaces

À peine le verdict prononcé, les menaces ont commencé à affluer. D’abord voilées, insidieuses. Puis directes, sans ambiguïté.

Bénédicte de Perthuis, magistrate respectée et expérimentée, a vu son nom devenir une cible. Des photos privées ont été diffusées, son adresse partiellement dévoilée. Des messages comme « Tu n’es qu’une marionnette du pouvoir, on sait où tu habites » ou « Ton tour viendra » ont été recensés.

Les deux procureurs ayant requis la peine ont également été visés. L’un d’eux a découvert sur sa voiture une lettre d’insultes imprimée, glissée sous un essuie-glace. Un autre a vu sa page LinkedIn envahie de messages haineux et de menaces à peine dissimulées.

Le parquet de Paris a immédiatement ouvert une enquête, confiée à la brigade de lutte contre la cybercriminalité. Mais le mal était fait. Une ligne venait d’être franchie. L’institution judiciaire n’était plus simplement critiquée : Elle était intimidée.

Les mots forts de Gérald Darmanin

Face à ce climat nauséabond, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin n’a pas tardé à réagir. Sur le perron de la place Vendôme, devant un parterre de journalistes agités, il a déclaré :

« Mon soutien est inconditionnel aux magistrats visés. La République ne pliera jamais devant ceux qui veulent faire taire la justice par la peur. »

Il a ensuite annoncé que des mesures de protection renforcées seraient mises en place pour les juges et procureurs en première ligne, notamment dans les affaires hautement médiatisées ou politiquement sensibles.

Mais le ministre sait que ces mots, aussi forts soient-ils, ne suffisent plus. Car au-delà des menaces, c’est la confiance dans les institutions démocratiques qui est en jeu.

Un verdict qui divise la France

Sur les plateaux télé, dans les cafés, sur les réseaux, la France s’enflamme. D’un côté, ceux qui saluent la décision du tribunal comme un acte de courage et de justice : « Enfin un signal clair que personne n’est au-dessus des lois. »

De l’autre, ceux qui hurlent au complot, à la chasse politique, voire à une vengeance orchestrée par une prétendue « caste judiciaire ».

Dans certaines villes, des rassemblements de soutien à Marine Le Pen ont eu lieu. À Lyon, un cortège d’environ 300 personnes a manifesté contre « la dictature judiciaire ». À Lille, des pancartes affichaient : « La France aux Français, pas aux juges ! »

Mais ce qui inquiète le plus les autorités, ce ne sont pas ces manifestations, somme toute prévisibles. Ce sont les cellules radicalisées, discrètes, organisées, qui s’activent en ligne, dans l’ombre, avec des intentions bien plus violentes.

Le quotidien d’une juge désormais sous protection

Depuis quelques jours, Bénédicte de Perthuis vit différemment. Son itinéraire domicile-tribunal est désormais surveillé. Un véhicule de police non identifié stationne discrètement devant son immeuble. Ses enfants ont été discrètement exfiltrés de leur école pendant 48 heures, le temps de s’assurer qu’aucun danger immédiat ne pesait.

Elle n’a pas souhaité s’exprimer publiquement, respectant le devoir de réserve inhérent à sa fonction. Mais dans les couloirs du palais de justice, plusieurs magistrats parlent d’une « atmosphère plombée », d’un climat de peur inédit depuis les affaires politico-judiciaires des années 1990.

Quand juger devient un acte de courage

« Être juge aujourd’hui, c’est aussi devenir une cible », confie un magistrat sous couvert d’anonymat. Il poursuit :

« Certains d’entre nous ont reçu des courriers de menace dès qu’ils ont instruit un dossier sensible. Mais depuis la condamnation de Marine Le Pen, on a franchi un cap. Il ne s’agit plus de critiques, mais d’une volonté de faire pression, voire d’intimider physiquement. »

Cette situation relance le débat sur la protection des magistrats, mais aussi sur l’indépendance du pouvoir judiciaire en France, remise en cause par certains élus et médias partisans.

Le précédent inquiétant de 2025

Cette affaire n’est pas sans rappeler les tensions judiciaires autour de l’affaire Fillon en 2017, ou encore le traitement de l’affaire Sarkozy, où certains juges avaient déjà été pris à partie. Mais jamais jusqu’à présent la menace n’avait été aussi explicite, aussi massive.

Et surtout, jamais un personnage politique de premier plan, possiblement candidate naturelle à l’élection présidentielle de 2027, n’avait été frappée d’une inéligibilité immédiate.

Cette décision, historique, bouleverse les équilibres politiques, certes, mais aussi les fondements même de l’État de droit français.

Une République à défendre

La justice est le dernier rempart. Le dernier espoir face à l’arbitraire. Lorsqu’elle est attaquée, c’est toute la République qui vacille.

La condamnation de Marine Le Pen, au-delà de son enjeu judiciaire, a révélé une fracture profonde dans notre société. Une faille que certains n’hésitent plus à exploiter pour instaurer un climat de terreur.

Mais face aux menaces, face aux intimidations, la République ne doit pas céder. Elle doit au contraire réaffirmer, haut et fort, le principe d’indépendance de la justice, et protéger celles et ceux qui la font vivre au quotidien.

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