Morgane : « Lors d’un déjeuner en terrasse, mon amie Clémence m’a tendu une bouteille d’eau bien fraîche. En la portant à mes lèvres, je me suis arrêtée net. Une rumeur persistante me trottait dans la tête : Et si cette eau cristalline, vendue comme pure, contenait en réalité des particules invisibles, issues du plastique lui-même ? Je veux comprendre, j’ai besoin de savoir. Est-il vrai que l’eau en bouteille contient des centaines de milliers de microparticules de plastique ? Et si oui… que boit-on vraiment ? »
Un filet d’eau, limpide, précieux. Une promesse de pureté embouteillée, prête à étancher notre soif en toutes circonstances.
Mais derrière la transparence rassurante d’une bouteille d’eau se cache une vérité dérangeante, que la science commence à dévoiler avec une précision glaçante.
Tout commence dans les laboratoires de l’université de Columbia, aux États-Unis. Loin des regards, des chercheurs décident d’appliquer une technologie de pointe, appelée imagerie Raman hyperspectrale 3D, à un objet du quotidien : L’eau en bouteille. Ce qu’ils vont y découvrir va secouer les certitudes de millions de consommateurs à travers le monde.
Le verdict tombe comme une gifle : En moyenne, chaque litre d’eau embouteillée analysé contient près de 240 000 particules de plastique.
Oui, vous avez bien lu. 240 000 particules. La grande majorité de ces intrus sont des nanoparticules, si minuscules qu’elles échappaient jusqu’ici à toutes les analyses. Elles mesurent moins d’un micromètre — certaines sont même mille fois plus petites que le diamètre d’un cheveu humain.
Les scientifiques, menés par les chercheurs Naixin Qian et Beizhan Yan, ont examiné des bouteilles de trois marques très connues, commercialisées aux États-Unis (et dans le monde entier, y compris en Europe). Les résultats ont été publiés en janvier 2024 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), un journal scientifique parmi les plus respectés.
Mais d’où viennent ces particules ? Comment ont-elles pu se retrouver dans une eau que l’on croyait pure ?
Le plastique utilisé pour fabriquer les bouteilles — le PET (polyéthylène téréphtalate) — est un coupable tout désigné. Il se dégrade peu à peu, surtout sous l’effet de la chaleur, du transport, ou du temps. Lors du bouchage, du stockage, ou même lors du simple versement de l’eau, des micro et nanoparticules se détachent. Le plastique est partout, même dans le bouchon.
Mais ce n’est pas tout. Le processus d’embouteillage lui-même, qui implique des tuyauteries, des filtres et des contenants en plastique, pourrait être à l’origine d’une contamination supplémentaire. Et si l’eau provient d’une source souterraine, elle peut déjà être contaminée avant même d’être embouteillée.
240 000 particules… Mais quels risques pour notre santé ?
C’est là que le mystère s’épaissit. Nous savons que les microplastiques peuvent traverser la barrière intestinale et atteindre certains organes. Les nanoparticules, encore plus petites, ont le potentiel de franchir la barrière hémato-encéphalique, celle qui protège notre cerveau. Des études sur les animaux ont déjà montré des effets potentiels sur la fertilité, les fonctions cognitives ou encore l’immunité.
Mais chez l’humain, les preuves restent lacunaires. Ce qui inquiète les chercheurs, c’est l’effet cocktail : Nous ne consommons pas ces particules en une seule fois, mais tous les jours, goutte après goutte, via l’eau, les aliments, l’air que nous respirons.
Le plastique ne se contente plus d’envahir nos océans. Il colonise aussi nos corps.
Des études récentes ont retrouvé des microplastiques dans le sang, les poumons, le placenta et même dans le lait maternel. Les nanoparticules, quant à elles, pourraient pénétrer les cellules et perturber leur fonctionnement, en agissant comme des perturbateurs endocriniens ou en déclenchant des inflammations chroniques.
Alors, que faire ? Cesser de boire de l’eau en bouteille ?
Peut-être. Ou du moins, limiter sa consommation. Les carafes filtrantes, l’eau du robinet, les systèmes de purification domestiques représentent des alternatives à envisager sérieusement. Dans certains pays, l’eau du robinet est soumise à des contrôles bien plus rigoureux que ceux appliqués aux eaux embouteillées.
Mais au fond, ce problème dépasse largement le simple choix entre bouteille ou robinet. Il pose une question cruciale : Peut-on encore vivre dans un monde sans plastique ?
Les industries, les consommateurs, les gouvernements : Tous devront prendre leur part de responsabilité. L’enjeu est global, systémique, vital.
Une vérité trouble derrière l’eau limpide
Morgane n’a pas fini sa bouteille. Elle l’a reposée, le regard troublé, l’esprit en ébullition. Ce liquide si limpide lui semblait désormais trouble, opaque de vérités enfouies. Elle a pris une décision ce jour-là : S’informer, agir, ne plus jamais boire aveuglément.
Et vous ? Boirez-vous encore la même gorgée demain matin, en ouvrant cette bouteille si familière ?