« Je m’appelle Clémentine. J’ai enterré mon meilleur ami l’automne dernier, emporté à 26 ans par une overdose de 3MMC qu’il avait commandé en ligne. Il croyait acheter un produit “de recherche”, légal et sans danger. Ce site néerlandais, Aimimichem, l’a livré en 48 heures. Comment est-ce possible qu’un simple clic puisse aujourd’hui tuer nos proches ? »
Le clic fatal
Clément, 26 ans, cadre dans une start-up à Bordeaux, ne buvait pas, ne fumait pas. Mais un soir, il céda à la curiosité : Une amie parlait d’un produit qui « boostait l’énergie » et « donnait confiance« . Ce produit s’appelait 3MMC, un cathinone de synthèse. Il ne se vendait pas dans la rue, mais sur un site à l’interface professionnelle et aux promesses rassurantes : Aimimichem.com.
Moins de deux minutes pour créer un compte. Moins de trois pour entrer une carte Visa. Et en 48 heures, un colis discret arrivait dans sa boîte aux lettres. Clément n’en revenait pas de la facilité. Ce qui aurait dû l’alerter, c’est que tout semblait trop propre pour être net.
Aimimichem : L’Amazon de la drogue légale
Aimimichem ne se cache pas. Le site est enregistré aux Pays-Bas, pays où certains composés ne sont pas encore classés comme stupéfiants. Sur leurs pages, on peut acheter du 2MMC, 1cP-LSD, O-PCE, ou même des benzofurans et tryptamines.
Tous les produits sont étiquetés comme étant « uniquement destinés à la recherche » et « strictement interdits à la consommation humaine ». Une mention hypocrite qui ne trompe personne : Les clients du site ne sont ni chimistes ni universitaires. Ce sont, dans la majorité des cas, des particuliers français, belges ou allemands cherchant une alternative aux drogues traditionnelles.
Des molécules meurtrières, des victimes silencieuses
Le 3MMC, aussi appelé « poor man’s MDMA« , provoque euphorie, désinhibition, mais aussi tachycardie, anxiété, paranoïa, troubles respiratoires. Pire : Il est addictif, avec un effet de tolérance rapide, incitant à la surconsommation.
Clément a fait l’erreur de reprendre une ligne après minuit. Son cœur n’a pas tenu. Il s’est effondré. Ses colocataires l’ont retrouvé trop tard. À l’hôpital, aucun médecin n’a su immédiatement identifier la substance. Et pour cause : Ces molécules évoluent sans cesse, modifiées pour rester « non interdites« .
Une législation européenne en retard
Chaque fois qu’un pays classe une molécule, une variante est commercialisée sous un nouveau nom. Aimimichem joue avec ces délais légaux, et les autorités françaises peinent à suivre. L’ANSM classe au compte-gouttes des produits. Les douanes saisissent parfois des colis. Mais l’essentiel passe au travers.
Pendant ce temps, la demande explose. Étudiants, adeptes du ChemSex, fêtards du samedi soir, adolescents mal informés : Les profils sont variés, mais tous tombent dans le même piège. Une drogue vendue légalement sur Internet, sans aucune garantie sanitaire, sans aucune étiquette claire, sans contrôle indépendant.
Derrière l’écran, des vies détruites
En 2023, plus de 7 500 décès liés aux drogues ont été recensés en Europe, dont une part croissante due aux drogues de synthèse. Les opioïdes comme les nitazènes, présents sur certains sites concurrents d’Aimimichem, sont jusqu’à 500 fois plus puissants que la morphine. Une inhalation, une prise accidentelle, et la mort est immédiate.
Des parents découvrent après coup que leur enfant achetait « un simple produit de recherche« . Des amis ne comprennent pas comment un jeune en bonne santé a pu mourir d’un produit « non classé comme stupéfiant« . La loi ne protège plus. Elle est dépassée.
L’indifférence politique, le désastre sanitaire
Aimimichem ne sera sans doute jamais inquiété par la justice française. Il est à l’étranger. Il respecte les lois de son pays. Ce sont les consommateurs français qui paient le prix fort.
Les autorités ferment les yeux, faute de moyens, faute d’outils juridiques efficaces. Les réseaux sociaux, eux, regorgent de tutoriels, de codes promo, de récits de “trips” — certains se terminent mal. D’autres n’en parlent jamais. Parce qu’ils sont morts.
Quand la mort se commande en ligne
Aimimichem est le reflet d’une époque où la toxicomanie se digitalise, se professionnalise, s’internationalise. Le mythe d’une drogue « propre« , « pure« , « légale » s’effondre à chaque enterrement d’un jeune de 20 ans.
Clément, Hugo, Emma, Sofiane… tous pensaient avoir trouvé une drogue “moins risquée”. Ils ont trouvé la mort.
Et tant que des sites comme Aimimichem existeront, chaque clic pourra être un compte à rebours.
Je n’arrive toujours pas à dormir. J’ai l’impression d’avoir encore son corps qui tremble dans mes bras. Son souffle saccadé, son regard qui se vide, et ce putain de silence après le dernier râle. Il avait 25 ans. Il s’appelait Julien. Il est mort à côté de moi, un samedi soir, dans un studio parisien de 18 m², transformé pour l’occasion en petit temple du ChemSex. On avait passé commande sur Aimimichem trois jours avant.
C’était trop simple. Trop propre. Trop rapide.
Un sachet scellé, avec des inscriptions pseudo-chimiques.
Pas de vendeur louche. Pas de deal en bas d’une tour.
Juste une boîte aux lettres et une carte bleue.
On avait prévu une soirée à deux, entre mecs, à base de sexe, techno, poppers et produits « de recherche ». Il avait choisi le 3MMC parce qu’il paraissait « safe », et parce qu’on en avait entendu parler sur Reddit. “C’est comme de la MD, mais sans les bad trips”, disait-il en rigolant. Putain…
À 22h, il a sniffé une première ligne. Puis une deuxième.
Puis on a commencé à se toucher, à rire, à transpirer.
À 23h, il a eu la mâchoire qui se contractait. Il disait qu’il avait chaud, qu’il tremblait. Moi je me sentais bien. Alors j’ai continué. Je n’ai pas vu qu’il glissait. Qu’il devenait tout pâle. Il est tombé une première fois. Il s’est relevé. Il m’a dit : « T’inquiète, ça tape fort, c’est normal ».
À minuit, il convulsait.
Je lui ai tenu la tête. Il a commencé à vomir du sang. Son cœur battait si vite que je le voyais pulser sous sa gorge. Puis, plus rien. Silence. Juste ce clapotis de morve, de bile et de sang sur le lino. J’ai hurlé. J’ai appelé les secours. Mais c’était trop tard. Il est mort comme un chien, nu, seul, allongé au milieu d’une odeur de sperme, de sueur et de mort.
Les flics sont arrivés. Puis l’équipe médicale.
On m’a embarqué pour m’interroger. J’ai eu droit au regard vide de sa mère, 3 jours plus tard, quand je lui ai rendu sa montre. Je l’entends encore sangloter sans son. Comme un animal blessé.
Tout ça pour quoi ? Pour un sachet vendu légalement sur un site néerlandais. Aimimichem.
Un site qui prétend vendre « des produits chimiques de recherche », interdits à la consommation humaine.
Mais qu’est-ce qu’on foutait avec ça dans le nez, alors ? Pourquoi est-ce si facile ? Pourquoi ça existe encore ?
Julien est mort sans comprendre ce qui lui arrivait. Il pensait passer une bonne soirée. Il est mort en moins de deux heures. Sans secours. Sans antidote. Juste du poison légal et une commande livrée en boîte aux lettres.
Toi qui lis ça, et qui penses commander pour tester… n’y va pas.
Tu ne sais jamais si ce sera le bon dosage, la bonne tolérance, ou la dernière fois que tu verras ton reflet vivant dans le miroir.
Moi, je le vois encore. Le sien. Miroir fêlé. Pupilles dilatées.
Et une dernière larme qui coule, pendant que le reste de son corps ne répondait plus.